Vendredi 8 février 2002
Je néglige un peu cette chronique... c'est parce que je connais désormais ma date de retour (le 26 février, je remettrai le pied sur la terre chiraquienne), et que je préfere arpenter les rues que trainer dans les cyber-cafés.
Actuellement, c'est un assez bon moment pour marcher dans les rues de Cochabamba, pour cause de mouvements d'humeur des producteurs de coca: tous les jours, ils bloquent les rues du centre-ville, et tous les jours, entre 15 et 17 heures, les flics les délogent a coups de lacrymos.
Je n'irais pas jusqu'a dire que c'est folklorique, ca a des incidences graves sur le commerce local (en particulier parce que les manifestants sont suivis par une horde de pillards qu'on appelle ici des "polillas", c'est-a-dire littéralement des mites; des gamins plus ou moins abandonnés par leurs parents, le plus souvent). Par ailleurs, les photos des blessés publiées tous les jours montrent que les flics n'y vont pas de main morte (les manifestants non plus, mais comme ils ne sont pas armés, ils font moins de dégats).
Mais globalement, le Cochabambin moyen n'en parait pas tres affecté, et ne rale que pour la forme, sans bien savoir contre qui d'ailleurs (les cocaleros? le gouvernement? la faute a pas de chance?). Les producteurs de coca ne sont ni soutenus, ni désavoués: l'opinion générale, je crois, est que la culture de coca devrait etre limitée, mais non supprimée. Je rappelle que la coca, si elle sert aujourd'hui essentiellement a préparer la cocaïne, est pleine de vertus plus anodines: elle peut servir a fabriquer des tisanes digestives, du soda (le Coca-Cola), du dentifrice, des produits amaigrissants, etc., et par ailleurs elle fait partie du régime alimentaire des autochtones de toute éternité ou presque (depuis avant les Incas).
Pendant les émeutes, le Carnaval continue, et les jeunes connards continuent d'inonder les jolies filles a coups de bombes a eau, pistolets a eau (des modeles gigantesques, de deux litres de capacité), voire seaux d'eau (depuis les fenetres).
Demain, le Carnaval commence a Oruro. D'ordinaire, la moitié de la Bolivie ou presque fait le déplacement. Mais la, comme les cocaleros ont installé des barrages sur toutes les routes principales, peu de gens vont se risquer. Ce matin meme, le gouvernement, qui se refusait mordicus a discuter avec les leaders syndicaux (il les qualifiait de malfaiteurs et d'assassins), a accepté d'essayer de négocier une treve pour la durée du Carnaval. Meme si ca donne un résultat, ca arrive bien tard, et il est certain qu'il y aura beaucoup moins de public a Oruro que d'ordinaire. Moi-meme, je pense que je ne bougerai pas, et que je me contenterai du "Corso de corsos", pale resucée du Carnaval d'Oruro, prévue pour dimanche en huit, mais a Cochabamba meme.
Par ailleurs, il ne fait aucun doute que cette treve ne serait qu'une treve, et qu'on retrouverait le probleme absolument entier juste apres le Carnaval. Tout le monde se demande ce que le gouvernement attend pour declarer l'etat de siege (mesure presque aussi banale ici que le declenchement des operations Bison Fute chez nous), meme si tout le monde ne le souhaite pas.
Pas grand-chose a signaler a part ca. Le travail de numerisation des photos anthropologiques (voir les episodes precedents) touche a sa fin, et c'est pas dommage.
Voila, c'est tout pour aujourd'hui. Bisous a mes petits lecteurs.