Le thème de l'instruction a été étudié dans le livre édité en 1988 chez Textel sur Vallorcine (1). Nous y renvoyons le lecteur: ici nous nous bornerons à traiter de la question des locaux.
Des instituteurs recrutés parmi les Vallorcins pratiquent dès le début du XIXe siècle. L'école ne fonctionne que durant les cinq mois d'hiver tant que les enfants ne gardent pas le petit troupeau de la famille. Mais il n'y a pas encore de locaux spécialisés. Les maîtres enseignent dans des maisons particulières au Mollard, au Sizeray, au Morzay. Il est précisé dans le contrat d'embauche que "la chambre pour la classe sera annuellement fournie par le régent". Le régent désigne ici l'instituteur.
Cette solution était peu pratique. Dès 1846, le conseil envisage la construction de véritables locaux scolaires. Le Sizeray installe à ses frais une école dans un bâtiment spécialisé mais trop petit. La commune était pauvre et le conseil délibéra pendant de longues années avant de prendre une décision. Enfin, en 1874, deux écoles neuves accueillirent les enfants au Plan du Sizeray et au Nant. Ainsi nous retrouvons la distinction entre l'aval et l'amont qu'imposait d'ailleurs la géographie.
Ces constructions furent probablement l'une des dernières "manoeuvres" de la vallée. La "manoeuvre" peut se définir comme une tâche collective au service de la communauté. Les Vallorcins en effet fabriquèrent eux-mêmes la chaux nécessaire, taillèrent les ardoises et les charpentes, approvisionnèrent les pierres. Elles ne manquaient pas dans les murgers et la disparition d'un murger permettait par ailleurs de gagner quelques mètres d'herbe et de culture.
Barberine en aval restait isolé, la montée des petits Barberins jusqu'au Sizeray était dangereuse à cause de l'avalanche du Nant du Rang. Mais il aurait été trop coûteux de construire une troisième école. Un des propriétaires du hameau céda temporairement mais gratuitement le local nécessaire. L'administration trouva exagérée l'existence de trois écoles pour 500 à 600 habitants. La ténacité des Vallorcins l'emporta.
Ces premiers locaux étaient bien modestes et assez vite à la fin du 19e siècle, le conseil envisagea d'autres locaux plus vastes et plus confortables. A nouveau on délibéra longuement. Les plans d'architectes furent approuvés dès 1893 mais l'argent manquait.
La IIIe République veillait. A cette époque de conflit entre monarchistes et républicains, les Vallorcins n'avaient aucune raison d'être monarchistes; anciens Sardes, la maison de France ne représentait rien pour eux. Très vite, dans les isoloirs, l'électeur se prononça pour la République, anticléricale à l'époque. Le même jour la masse des électeurs assistait à la messe. La République reconnaissante accorda aux Vallorcins une subvention de 19 000 F, soit les trois quarts des devis.
Cette fois, il n'y eut plus de manoeuvre, les travaux furent accomplis totalement par les entrepreneurs. Ainsi à la rentrée scolaire d'octobre 1902 s'ouvrirent les deux écoles utilisées encore aujourd'hui au Plan et au Nant. C'est là que les écoliers photographiés en 1910 (cf. p. 10) apprirent à lire, écrire et compter.
Françoise et Charles Gardelle
(1) Françoise et Charles Gardelle, Vallorcine, Textel, Lyon 1988.