L'arrivée du train à Vallorcine

A notre époque où, dans certains milieux, on a tendance à mésestimer l'intérêt du chemin de fer sur certains itinéraires considérés comme secondaires, il n'est sans doute pas inutile de rappeler tout ce qu'il a apporté aux localités qu'il a irriguées dans les débuts de sa mise en service.

Ce fut le cas pour Vallorcine qui était desservie côté France par une route carrossable la reliant, par le col des Montets, à la vallée de l'Arve, et construite dans les années qui ont suivi l'annexion de 1860. Comme c'est encore le cas actuellement, celle-ci était très exposée aux avalanches, et n'était utilisable qu'à la belle saison par un service de diligences à la capacité bien entendu limitée.

Cette route avait créé un trafic qui allait croissant et vers la fin du XIXe siècle, on sentait le besoin d'un moyen de transport capable de transporter dans des conditions meilleures de temps, de confort, de sécurité, de capacité, un nombre de voyageurs toujours plus important. Seul le chemin de fer était capable de réunir véritablement l'ensemble de ces conditions.

Après bien des péripéties, la décision fut prise en 1893 de relier Le Fayet à Chamonix et Vallorcine au moyen d'une ligne à voie étroite à traction électrique (à signaler, pour franchir le col des Montets, un projet de ligne à crémaillère). La mise en service de la première partie du Fayet à Chamonix intervient le 25 juillet 1901, celle de Chamonix à Argentière le 25 juillet 1906.

Il faudra attendre le 1er juillet 1908 pour que le rail atteigne Vallorcine, opérant ainsi la jonction avec le Martigny-Châtelard (M.C.) ouvert entre le Châtelard-Frontière et Vallorcine à la même date. Entre temps, les Vallorcins avaient gagné la bataille de la gare internationale que le P.L.M. souhaitait initialement construire au Châtelard.

Le chemin de fer amena, là comme ailleurs, un important afflux de touristes qu'il était nécessaire de bien accueillir si on voulait les retenir. Plusieurs hôtels se construisent ou s'agrandissent au Buet ou aux abords de la gare internationale, auxquels il ne faut pas oublier d'ajouter le buffet de la gare.

Tout cela était propre à assurer la prospérité de Vallorcine. Cependant une ombre à ce tableau subsistait: le chemin de fer ne circulait que du 1er mai au 2 novembre au-delà des Tines, d'abord, puis de Montroc ensuite. Vallorcine n'était donc desservie qu'à la belle saison. C'était un lourd handicap, même en tenant compte du passage à piétons ménagé dans le tunnel des Montets, palliatif très utile pendant les périodes d'avalanches, mais ne pouvant évidemment remplacer le train.

Il aura fallu attendre l'hiver 1935-1936 pour que les trains circulent en hiver entre Montroc et Vallorcine. Encore faut-il préciser que ce n'est pas la compagnie P.L.M., mais le Martigny-Châtelard (M.C.) qui assurera cette exploitation hivernale à ses débuts.

Vallorcine était donc "désenclavée" en hiver, hormis lorsqu'une avalanche coupait la voie entre le tunnel des Montets et la gare internationale, ce qui restait tout de même relativement rare.

Le matériel roulant transportant des voyageurs était donc en service pour partie depuis 1901. Dans les années 1950, on commença à envisager son remplacement par un matériel plus confortable et aussi plus rapide, d'autant que le Martigny-Châtelard étudiait par ailleurs lui aussi un nouveau matériel qui devait se substituer à celui datant de 1906. Le nouveau matériel, mis en service en 1958, a assuré conjointement avec une partie des compositions anciennes rénovées, tout le trafic entre la gare de Saint Gervais-Le Fayet et Vallorcine.

Depuis quelques années, certains trains vont jusqu'au Châtelard Frontière, voire même au-delà en été, sans toutefois pouvoir dépasser Salvan. En effet, au-delà de cette gare, la ligne est munie d'une crémaillère pour descendre la pente trop raide pour un train classique (20 %), et le matériel SNCF ne dispose pas de l'équipement nécessaire pour circuler sur cette section.

On se rendait bien compte d'ailleurs depuis quelques années que cela présentait difficultés et inconvénients, tant pour les voyageurs que pour les exploitants. On en est venu, compte tenu de la nécessité du renouvellement, à envisager de construire, en commun avec le M.C., un matériel capable de circuler sans rupture de charge du Fayet à Martigny. Des décisions récentes vont en permettre l'achat.

D'autres améliorations sont envisagées en matière de sécurité, de présentation des gares, etc. Tout cela devrait, dans les années qui viennent, amener à un excellent niveau technique cette partie française d'un itinéraire international que constitue la ligne Le Fayet-Vallorcine-Le Châtelard-Frontière. D'autre part, depuis quelques années déjà, on s'efforce par divers moyens (animation dans les trains, passeport pour les cimes), d'attirer vers le transport ferroviaire un public nouveau qui pourra découvrir en toute tranquillité cette région du plus haut intérêt touristique.

Pierre Laville