Les chorales à Vallorcine

La pratique religieuse assidue, mais aussi le goût de la musique, répandu dans la vallée, font du chant choral une activité fort ancienne à Vallorcine, même si l'apparition d'un choeur constitué est relativement récente.

Ainsi, bien avant la guerre de 1914, des Vallorcins des familles Ancey des Biolles, Dunand du Morzay et Claret du Mollard en particulier, se rendaient dans la paroisse de Trient pour y apprendre le solfège. A l'époque, d'ailleurs, les relations étaient assez étroites avec cette commune valaisanne située sur la route du col de la Forclaz et de ses vignes, beaucoup plus qu'avec celle de Finhaut, moins naturellement proche et déjà devenue une station touristique.

Avant l'institution d'une véritable chorale, les chants d'église étaient l'apanage de quelques familles dont celle des Biolles, avec les deux frères Michel et Gilbert Ancey. Les chantres se plaçaient dans les stalles à gauche pour l'office des morts. Chaque dimanche, ils occupaient le premier rang de la tribune. On disait d'eux qu'ils "chantaient beau" pour vanter tout ensemble la qualité et la puissance de leurs voix. D'autre part, des membres vallorcins de la confrérie du Saint-Sacrement (1) revêtaient une aube pour chanter certains offices avant la messe ou à l'occasion des processions.

Les choses évoluèrent au lendemain de la guerre de 1914-1918 avec le curé Buffet: il forma un groupe féminin. Des jeunes filles s'accompagnant à la mandoline interprétaient des cantiques. Elles se tenaient dans la nef en haut du bas-côté droit -- et pas question de se retourner quand c'était le tour des chantres de la tribune. On pouvait entrer dans cette chorale féminine à douze ans, après la communion solennelle, et on la quittait dès son mariage (ce qui nous a permis de dater la photo de la page 3 du début de l'année 1920 au plus tard).

Avec l'arrivée du curé Lacroix en 1929, il y eut un gros afflux de jeunes choristes des deux sexes. Au bout d'un temps, les deux Biollins se retirèrent.

Traditionnellement, la grande fête était celle de Pâques. A cette occasion, si le temps n'était pas contraire, c'est ce jour-là que l'on mettait vêtements et chaussures d'été (que l'on quittait à la Toussaint pour ceux d'hiver). La disposition des choristes restait traditionnelle, les filles en bas, les garçons sur la tribune, mais à l'occasion des grandes fêtes, la chorale tout entière se trouvait en bas: les filles à leur place habituelle, au premier rang à droite, les garçons dans le bas-côté, à droite aussi. C'est au début des années 1930 que l'on chanta pour la première fois une messe à deux voix.

Le curé Payot, nommé en 1942, fut à l'origine de deux nouveautés. Il lança l'apprentissage de chants à quatre voix pour la fête de Pâques. D'autre part, au bout d'un temps, la chorale s'installa tout entière, hommes et femmes, sur la tribune. Par ailleurs, pour préparer et diriger les chants, avec le curé ou à sa place, il fallait un chef de chorale.

Il y eut ainsi successivement: sous le curé Lacroix, Jules Vouilloz, Louis Pache, Louis Dunand; puis, sous le curé Vianey, Maurice Dunand. Ce dernier assuma ces fonctions jusqu'à l'époque du curé Châtelain où Jacques Berguerand lui succéda. Il céda sa place à Camille Ancey, qui dirigea entre autres à Noël 1949 la Missa Brevis de Palestrina. Jacques Berguerand reprit ses fonctions lorsque Camille Ancey dut succéder à l'harmonium à Suzanne Dunand, qui s'en alla en 1950.

Le premier harmonium fut acquis dans les années 1920 à l'aide de quêtes faites à l'église. L'achat avait été rendu nécessaire par le départ progressif des joueuses de mandoline. Cet instrument, placé à la droite de la nef, fut vite détérioré par l'humidité de l'église, au point que la maison Ruscon d'Annecy renonça à le réparer. On ne le remplaça pas pendant plusieurs années. On en acheta un deuxième vers 1950, remplacé lui-même sous le curé Châtelain. A l'époque du curé Dutruel, on fit même l'acquisition d'un orgue électronique. Enfin, en 1975, on installa l'orgue actuel, que Camille Ancey avait tout entier (sauf un jeu) construit en bois de ses propres mains. On peut aller le regarder dans le bas-côté gauche de l'église, où la chorale elle-même a maintenant pris place.

La tradition se perpétue, même si l'âge des choristes augmente. Souhaitons qu'elle se poursuive. En tout cas, sous d'autres formes avec l'Echo du Buet en particulier, la musique reste bien vivante à Vallorcine.

Article rédigé en particulier
à l'aide des souvenirs
de Louis Dunand et Camille Ancey

(1) La Confrérie du Saint-Sacrement était à l'origine une ligue rassemblant religieux et laïcs. Elle fut formée en France sous Louis XIII.