NOTRE PATRIMOINE

Croix et oratoires

Depuis sa création, notre association, l'A.M.B.M.V., s'efforce de faire connaître le patrimoine de Vallorcine. Cette année, nous allons nous intéresser aux croix et oratoires de la vallée, que ces lieux de dévotion aient disparu ou demeurent aujourd'hui.

 

Les simples croix et les croix de mission. La plupart des villages de Vallorcine possédaient leur croix -- en particulier le long de l'ancienne route. Plusieurs d'entre elles avaient été érigées lors d'une mission, c'est-à-dire d'une prédication effectuée par des prêtres envoyés par l'évêché pour raviver la foi.

Deux croix simples, une au Morzay et l'autre à l'angle de l'ancien cimetière (voir photo ci-contre), ont maintenant disparu. Une croix de mission datée de 1941 est encore en place au Sizeray, ainsi que celle du Crot, datée de 1971. D'autres croix ont vraisemblablement été placées à des endroits de passage dangereux: on peut citer celle du pont en bas du Couteray, ou celle du haut du Sizeray, que nous venons de citer et qui fait face à l'avalanche. Il faut noter le souvenir d'une croix placée après le pont dit "Mariaz" (du nom du curé qui y fut victime d'un attentat) ou "chez Petit" ou "des Rafours". Elle commémorait la chute d'une diligence dans l'Eau noire et sa perte corps et biens, le pont ayant cédé sous son passage.

Il y avait une croix à la Poya, une autre à l'entrée de la vallée de Tré-les-Eaux. Trois autres ont été placées sur les alpages: une à l'Aiguillette (installée juste avant 1939) et deux à Loriaz. Celle qui est érigée à l'entrée de l'alpage, anciennement en bois, a été remplacée à l'occasion de l'année sainte de 1983 par une croix en fer, forgée par Marc Burnet. L'autre, la croix des Courious, est placée sur le chemin d'Emosson et visible du Sizeray.

Toutes les croix qui nous ont été conservées dans ce groupe se ressemblent. Elles sont hautes (plus de 2,50 m), en bois. Les bras de la croix sont en général affinés à leurs extrémités et portent quelques décorations en forme de rosace ou de flèche. En général peu anciennes, elles remplacent des croix antérieures, comme le montrent certaines cartes postales.

 

Les croix-oratoires. Contrairement aux précédentes, ces monuments ont été répertoriés, ainsi que les oratoires, dont nous parlerons plus bas, dans l'ouvrage les Oratoires de la Haute-Savoie paru en 1991 sous les auspices du conseil général.

Deux villages de Vallorcine, dépourvus de croix simples, possèdent en revanche des croix-oratoires, c'est-à-dire des croix comportant au-dessous de la croisée une niche avec une statuette.

Au Mollard, la croix, récente, mesure à peine deux mètres et est en béton, mais elle remplace une croix en bois (voir carte postale au bas de la page précédente). La niche est vide. Celle de la Villaz est en bois et commémore la mission de 1955; sa niche contient une statuette de Notre-Dame de Lourdes.

Au bas du Sizeray, la niche contient une petite statue de la Vierge, protégée par une grille. Elle commémore la mission de 1935. Décorée sensiblement comme les croix simples, elle a été réalisée par Francis Ancey.

La croix du Couteray étant située assez haut entre les Ravi et la Fontaine, on peut penser que non seulement les Coutériards, mais aussi ceux du Laÿ et du Chanté qui n'en possédaient pas, venaient y prier. En bois, elle porte la date de 1943 et l'inscription PAX à la croisée des bras, et par ailleurs elle contient une Sainte Thérèse -- tout comme celle de Barberine (fruit de la collaboration de Séraphin et Luc Ancey), bénie en 1935 et maintenant disparue. La présence de deux statuettes en l'honneur de cette sainte semble une particularité de la vallée.

 

Les oratoires. Ils sont au nombre de trois, mais il en a existé un quatrième au Plan Droit. Il contenait une vierge à l'enfant (voir photo ci-contre), qui est conservée chez Marc Burnet dans ce même village.

L'emplacement des trois oratoires restants est digne d'intérêt. En effet, ceux des Montets et de Barberine semblent marquer l'entrée ou la sortie de la vallée. Une demande de protection ou une action de grâce s'imposaient alors. Celui du Nant, situé près du pont sur l'Eau de Bérard, marque évidemment un endroit important et dangereux du voyage.

Les trois oratoires de Vallorcine s'inscrivent bien dans le style commun à ceux du canton de Chamonix tel qu'il nous est décrit dans l'ouvrage cité plus haut: "Assez bas et trapus, dotés de toits à deux ou quatre pans formant auvent au-dessus de la niche... s'intégrant parfaitement au paysage de montagne." Les deux premiers (les Montets et le Nant) étaient couverts en ancelles traditionnelles; leurs toitures ont été refaites en tôle Eternit à la fin des années trente; puis, cette année même, Antoine Dunand a remplacé les tôles du toit de l'oratoire du Nant par des ardoises. Quant à celui de Barberine, il est lui aussi couvert en ardoises. On se rappelle à ce propos qu'il y avait une carrière à proximité, dans le Valais.

L'oratoire du Nant est dédié au Christ; on y voit un crucifix dans une niche grillagée. Ceux de Barberine et des Montets sont dédiés à Notre-Dame des sept douleurs; ils contiennent une pietà sculptée polychrome. Ils sont tous deux placés dans un site assez remarquable avec lequel ils s'harmonisent en effet très bien: celui de Barberine sur un rocher dominant la route et la rivière, celui des Montets adossé au rocher et abrité par de grands arbres.

L'oratoire des Montets, outre le charme de son site, mérite l'attention car il est plus élaboré que les deux autres. Daté de 1702 et rénové en 1938, il est adossé à un muret et placé sur une sorte de petite esplanade construite en demi-cercle et munie de deux marches au centre. Le cadre naturel et cette discrète mise en scène architecturale permettent à la statue de bois peint, abritée dans sa niche en renfoncement, de dégager une impression de piété sereine.

Françoise Ancey