ACTIVITÉS TRADITIONNELLES

Le métier de guide à Vallorcine

Ce dossier a été réalisé à l'aide des guides de la commune et de leurs familles. Nous les remercions tous. Sans doute reviendrons-nous sur le sujet, vu sa richesse que nous sommes loin d'avoir pu exploiter tout entière.


Petite chronologie

Fondation des institutions

La compagnie des guides de Chamonix: 1821.
Le Club alpin français (C.A.F.): 1874.
(Les guides de Vallorcine entrent dans la compagnie de Chamonix: 1946)
Le bureau des guides de Vallorcine: 1989.

Premières ascensions

Le Buet par Vallorcine: 1775.
Le Mont-Blanc: 1786.
La pointe Vouilloz (dans les Perrons): 1875.
Les cornes de Loria: 1895.


Les premiers temps

Bourrit, Saussure et Pierre Bozon

On n'a pas assez mis en évidence le rôle de Vallorcine et de ses habitants dans l'histoire de la montagne. Pourtant la conquête du Buet a joué un rôle dans ce domaine. Le sommet fut gravi pour la première fois du côté de Sixt par les frères Deluc, savants genevois. Cela donna à Bourrit l'idée de renouveler l'exploit par le versant de Bérard. Il y parvint en 1775 avec l'aide d'un chasseur vallorcin de "la Couteraie", qu'il ne nomme pas. L'année suivante, Saussure reprend l'itinéraire de son compatriote pour y faire des observations préalables à l'ascension du Mont-Blanc. On peut lire dans ses Voyages dans les Alpes l'éloge suivant: "Le paysan qui, en 1776, m'avait conduit sur le Buet et qui avait servi de guide à M. Bourrit... se distingue par une intelligence et des connaissances très rares dans son état; il mérite d'être recommandé aux voyageurs... Il se nomme Pierre Bozon." Voilà désigné le premier guide de la vallée -- et cela se passe dix ans avant la conquête du Mont-Blanc.

D'ailleurs bon sang ne saurait mentir. Plus tard la famille de Pierre Bozon ira s'installer aux Pèlerins et l'un de ses descendants, Charles, deviendra champion du monde de ski, guide lui-même -- avant de mourir tragiquement lors de l'ascension de l'arête des Grands Montets.

Une caravane de voyageurs au siècle dernier

Théophile Gautier (1811-1872) comme beaucoup d'auteurs de la génération romantique (Dumas, Hugo, George Sand) a visité les Alpes. Cela lui a inspiré des récits, les Vacances du lundi, publiés en 1869. On y trouve un charmant "tableau de montagne" (c'est le sous-titre du livre). Il y évoque la descente du col vers Vallorcine parmi les rhododendrons et les prés fleuris du mois de juin et les guides de ces temps lointains:

"Galamment ils escaladent les pentes pour cueillir les touffes les plus fraîches et les offrir aux jeunes filles qui ont bientôt à la main des spécimens de toute la flore alpestre."

Ce n'est pas lui en tout cas qui lésinera au moment de les rétribuer: "Le tarif, que tout le monde trouve exorbitant, nous semble au contraire bien bas pour la peine qu'ils se donnent et la responsabilité qu'ils encourent."


Chasseurs et guides

De tout temps les montagnards pratiquèrent la chasse, à l'ours, au chamois, etc. Cela les conduit à savoir progresser sur tous les terrains et à fréquenter hauteurs et sommets. Leur compétence leur fait jouer le rôle de guides de haute montagne avant même d'en avoir le titre officiel.

Premières

Le guide Vallot attribue diverses premières aux chasseurs vallorcins (mis à part Le Buet):

- la pointe Vouilloz par Félix Vouilloz et un touriste en 1875;
- la corne Est de Loria par son fils Joseph-Adolphe et deux alpinistes suisses en 1897;
- l'arête Sud-Ouest du Grand Perron par Adolphe Devillaz et deux alpinistes en 1911.

Traditions familiales

Jules Vouilloz est chasseur comme ses père et grand-père, Marcel son fils aussi. Le premier devient guide du C.A.F., le second de Chamonix. Le beau-frère de Jules, Camille Burnet, et son fils Alfred partagent la passion de la chasse et vont embrasser la même profession.

Transmission du savoir

Elle ne se fait pas qu'en famille. Jules Vouilloz lui-même reconnaissait sa dette à l'égard de Joseph Ancey de Barberine, dit Joseph à la Rose (1841-1917). Les affinités ou le voisinage jouaient donc un rôle.

Plus tard, quand la profession est codifiée par les règlements du C.A.F., c'est en étant porteur au côté d'un guide que l'on apprend le métier: ainsi Louis Dunand avec son aîné Louis Pache.


Évolution de la profession

Le simple portage

Tandis que le tourisme montagnard se développe au XIXe siècle, les Vallorcins sont tenus à l'écart de la Compagnie des guides de Chamonix. Il faut pour en faire partie être "domicilié et électeur dans cette commune" (art. 2 des statuts). Nos ancêtres vont devoir se rabattre sur l'accompagnement des caravanes en pratiquant le portage.

Guides du C.A.F.

Vers la fin du siècle dernier, on pourra devenir guide du C.A.F., qui vient d'être fondé, mais il faudra auparavant avoir accompli un stage d'au moins deux ans comme porteur officiel, avec la nécessité de constituer un carnet de courses comportant les appréciations des clients et des guides du C.A.F. eux-mêmes.

Mentionnons encore parmi les premiers guides officiels du C.A.F. Joseph Bozon (1890-1973) et Albert Claret (1888-1951).

Guides de la compagnie de Chamonix

En 1946, enfin, la Compagnie chamoniarde ouvre ses portes à Louis Pache et Louis Dunand, à Jules Vouilloz et à Alfred Burnet.

Par la suite, la profession est organisée sur le plan national. Marcel Vouilloz sort premier du stage national des guides en 1949 et devient professeur à l'Ecole nationale d'alpinisme.


Le recrutement de la clientèle

Les guides du C.A.F. travaillent avec la clientèle des hôtels de la commune: certains avec le haut de la vallée comme Louis Pache ou Louis Dunand, d'autres comme Jules Vouilloz avec le Mont-Blanc. Quant à Albert Claret, il gère les pensions du Bon Repos.

Pour sa part, Camille Burnet sortira beaucoup avec les Camps de vacances de la montagne (C.V.M.), organisme fondé par Mlle Paillet, qui regroupait différents chalets d'estivants, initialement une clientèle exclusivement féminine.

A partir de 1946, les guides de la vallée bénéficieront du tour de rôle de la Compagnie de Chamonix, mais les statuts leur permettent d'être choisis "hors tour" par ceux qui réclament leurs services.


Relations guides-clients

Même si on peut lui faire des suggestions, le client est roi et les courses demandées (le Tour, la Nonne, le Mont-Blanc) rendent le métier assez répétitif. Il n'est pas toujours facile de refuser une demande, même lorsque la montagne n'est pas en condition. Un client peut se briser un membre parce qu'il désobéit à des conseils de prudence. Inversement, "le sang-froid, l'endurance, l'habileté, l'entrain" du guide ou de son porteur sont appréciés. Il arrive même que le client épate son guide, telle cette jeune Italienne qui découvre le rocher et grimpe allègrement l'arête Sud-Est de Loria en jupe-culotte et bas nylon.

Citons quelques personnalités connues parmi cette clientèle: Mlle Pinard (la future Mme Lévi-Pinard) qui fait une première dans les Perrons avec Jules Vouilloz, le curé Vianney et le futur maire Maurice Canat.


Fonctionnement du bureau des guides de Vallorcine

Les cinq guides actuels ont une activité diversifiée: des courses en montagne (mais assez peu sur les sommets vallorcins), de l'école d'escalade à la Courzille, à Barberine, dans les rochers du col pour les débutants, ainsi que du canyoning dans la Barberine. L'accompagnatrice fait faire le tour du Mont-Blanc, le tour des Rouges. On organise aussi des séjours de multiactivité: randonnée, V.T.T., écoles de glace ou d'escalade.

A noter que deux guides vallorcins travaillent dans la Compagnie de Chamonix et que trois autres en sont membres honoraires.