L'inventaire des biens de la cure

La nationalisation des biens du clergé, décidée par la Constituante le 13 mai 1790, a pour conséquence logique l'inventaire de ces biens auquel les communes de Savoie vont devoir s'employer dès février 1793. Vallorcine y procède le 3 mars.

 

BIENS MEUBLES. Outre toute une série de reconnaissances de dettes, dont plusieurs émanant de paroissiens insolvables, la cure possède un ameublement modeste, mais caractéristique. On découvre au passage le nombre des pièces et leur disposition.

Il y a une "chambre dessus" contenant un coffre d'arolle et un bois de lit en sapin; il y a d'autre part le "pêle vieux", servant sans doute aux dévotions.

Transcription: "Plus au pêle vieux, un bois de lit avec un chariot dessous, une table de bois d'arolle qui s'ouvre, un prie-Dieu de sapin, un vieux eau-bénitier d'étain."

Voici maintenant la cuisine:

Transcription: "A la cuisine, une crémaillère de fer avec ses boucles, une mauvaise poële à feu, une lèchefrite, une broche pour rôtir, un râtelier de bois [de] sapin et mélèze, des petits buffets de sapin (à quatre petits buffets) (sic) avec une petite table."

Nous entrons maintenant dans le second pêle:

Transcription: "Plus au pêle neuf, dont les fenêtres donnent sur la cour, une garde-robe (1) de sapin fermant à la clef, un bois de lit, une caisse d'horloge."

L'inventaire se poursuit en passant par un cabinet, situé à côté de ce dernier pêle, et utilisé à la fois comme petite chambre et comme bibliothèque. On passe ensuite aux deux caves, d'abord "la cave dessous le pêle neuf", avec "trois tonneaux de quatre à cinq setiers". Le setier valait 24 pots, mesure représentant entre un litre et demi et deux litres; au total, ces trois tonneaux pouvaient donc contenir quelque six cents litres. Plus loin, l'inventaire mentionne d'ailleurs que le curé possède à Martigny "quantité de vignes" dont le rapport net annuel est de quatre setiers (valant 20 livres).

Voici enfin "la cave dessus" (2):

Transcription: "Plus, à la cave dessus, soit certaut (3), deux tours sur lesquels on entrepose le fromage, l'un des tours étant gâté dessous; une mauvaise ébaurière, quatre petits bassins pour y tenir le lait, un mauvais couloir, une fétière pour faire le fromage (4)..."

 

BIENS IMMOBILIERS. L'inventaire répertorie, en leur donnant les numéros de la mappe de 1730 (cf. E v'lya n° 2, p 10) trente-deux terrains, bâtis ou non.

Les terrains bâtis, auxquels s'ajoutent deux placéages (espaces servant de passage ou de cour), comprennent, outre la cure, une grange en contrebas, l'église (mais non la chapelle du Saint-Esprit qui la jouxte, et qui est propriété privée), le cimetière et la tourne.

Les vingt-cinq terrains restants comprennent un assez grand bois à l'Envers, quatre murgers (ou murets), un jardin, onze prés ou pâturages, et huit champs.

La superficie totale est de 22 journaux et 364 toises (il y a 400 toises dans un journal). Comme le journal de Savoie vaut un peu moins de trente ares, l'ensemble couvre environ six hectares et demi -- ce qui donne une idée de l'importance des travaux d'ensemencement et de fenaison que la commune assurera en cette année 1793.

Enfin, les lieux-dits sont indiqués. Toutes les terres sont relativement proches de la cure. Une grosse partie se trouve au Clos, mais l'église elle-même est notée comme située au Mollard. Les autres terres se trouvent à la Villaz, à la Molliette, au Cheserey (Sizeray) et au Plan.

(1) Une armoire à vêtements.

(2) La disposition des pièces est analogue au musée de notre association.

(3) Le certaut ou certo (le texte emploie également les dénominations de sarto, de farto ou de cetour) désigne ce que la langue française actuelle appelle un cellier.

(4) L'ébaurière doit être une baratte. On trouve dans le cellier les tours à fromage ou vrets, des seilles, un couloir ou colu (pour passer le lait), et la fétière ou faisselle (appelée fetire en patois), qui est un égouttoir à fromage.