UN PERSONNAGE VALLORCIN
En cette année 1994, qui marque le 80e anniversaire de la Première Guerre mondiale au cours de laquelle tant de Vallorcins combattirent (cf. E v'lya n° 1, article sur Antoine Vouilloz, et E v'lya n° 2, sur Cyrille Ancey) et où vingt-trois périrent, il importait de rappeler le souvenir de celui d'entre eux dont le nom figure en tête de liste sur le monument aux morts situé devant la mairie (photo ci-contre).
Il naquit au Mollard le 16 août 1876. Il était le troisième des onze enfants (six filles et cinq garçons) et l'aîné des garçons du couple formé par Marie Ancey du Mollard et Lucien Claret, natif du Nant, et qui était "venu gendre" dans le village de la famille de sa femme. Lucien Claret, qui était "né sarde", comme on disait à l'époque, avait combattu pour la France au cours de la guerre de 1870, au retour de laquelle il se maria. Il exerçait conjointement la profession de cultivateur et les fonctions de garde champêtre.
A la différence de cinq de ses frères et soeurs, Louis Claret resta célibataire. Il exerça la profession de menuisier, et c'est ainsi désigné qu'il figure sur les procès-verbaux des élections, la profession de cultivateur continuant à être exercée dans l'exploitation familiale par son père. Comme menuisier-charpentier, Louis Claret fut employé à la construction de l'hôtel du Buet à la fin du siècle dernier (photo page suivante).
La vie municipale le passionna très tôt, puisqu'il fut élu conseiller dès 1904 à vingt-huit ans, puis réélu en 1908. En mai 1912, à trente-six ans, il fut de nouveau élu dès le premier tour -- preuve de la confiance que lui accordaient les Vallorcins, ainsi qu'à son alter ego Antoine Dunand, et à Casimir Semblanet. Le 19 du même mois, il fut élu maire avec onze voix, contre une à Félix Chamel. Antoine Dunand devint son adjoint.
Le déclenchement de la Première Guerre mondiale devait interrompre son action, deux ans seulement après son élection.
Mobilisé à trente-huit ans avec l'une des plus anciennes classes qui furent appelées, il combattit tout d'abord sur le front italien. Il participa ensuite à la seconde bataille de la Marne. Placé à l'arrière de la ligne de front (il appartenait au train des équipages, 14e escadron, 36e compagnie), il écrivit à sa famille qu'il se considérait hors de danger. Hélas, peu après, il fut blessé par un éclat d'obus et mourut le 16 juin 1918, à May-en-Multien, dans l'ambulance n° 209 qui le transportait.
Nous sommes allés dans ce village de May (voir photo ci-dessous), qui se trouve au nord de la Seine-et-Marne, au-delà de Meaux, sur le plateau du Multien. Celui-ci domine la vallée de l'Ourcq, où les combats firent rage; c'est un joli site, où rien aujourd'hui ne rappelle la guerre. Nous aurions aimé dire à nos lecteurs où se trouve la tombe de notre ancien maire. Mais elle ne figure ni dans le carré militaire de May, ni dans celui du bourg de Crouy-sur-Ourcq, dont la tradition familiale nous a transmis le nom.
Cela peut paraître incroyable à propos d'un combattant pour lequel on dispose de tous les renseignements nécessaires, mais aucun des services départementaux des sépultures militaires de la Seine-et-Marne (ni de l'Oise ou de l'Aisne toutes proches) n'a pu retrouver cette tombe. Quant au ministère des Anciens Combattants qui nous avait promis une réponse, il ne nous l'a pas encore envoyée à l'heure où nous écrivons ces lignes. Nous voulons croire cependant qu'il nous sera un jour possible d'aller fleurir la tombe de Louis Claret.
Comme maire, Louis Claret a laissé le souvenir d'un magistrat intègre. En particulier, lorsque fut étudié en conseil municipal le projet d'une route pour desservir le Mollard (ce projet ne fut réalisé qu'entre les deux guerres), il fit en sorte que le tracé passât par le bas du village et non par le haut, pour ne pas donner le sentiment qu'il profitait de ses fonctions pour favoriser sa propre famille. Son activité à la mairie fut considérable, et comme elle est par ailleurs très représentative des préoccupations des Vallorcins au début du siècle, nous avons décidé d'en publier une brève analyse (page 9).