VIE DES VALLORCINS D'AUTREFOIS

A propos de l'émigration
des résidents de la vallée

La Société d'histoire et d'archéologie savoisienne a organisé récemment, avec les Archives d'Annecy, une exposition intitulée les Savoyards dans le monde. Françoise Ancey a représenté notre association au colloque inaugural. Elle y a rencontré l'ancien curé de Vallorcine, M. l'abbé Châtelain, auteur des Cousins. Chacun connaît par ailleurs le chapitre l'Emigration, une nécessité rédigé par Françoise et Charles Gardelle dans leur livre Vallorcine, histoire d'une vallée (en vente au musée). Renvoyons aussi le lecteur à la Vie quotidienne à Vallorcine au XVIIIe siècle, de Germaine Lévi-Pinard. Nous proposons ci-dessous quelques pistes de réflexion complémentaires sur le phénomène de l'émigration depuis Vallorcine.

A Vallorcine comme ailleurs, les causes de l'émigration sont en général les mêmes pour tous: il s'agit d'aller chercher au loin des moyens de subsistance. C'est ce que faisait l'aîné d'une famille nombreuse, par exemple, lorsqu'il était en mesure de gagner sa vie. Pour certains, il faut noter que cette raison d'ordre matériel s'accompagnait d'un fort attrait exercé par le monde extérieur, sa variété, sa modernité.

A travers les quelques personnages vallorcins que nous allons évoquer maintenant, nous pouvons distinguer trois grands types d'émigration.

 

L'émigration saisonnière. C'est à ce type d'émigration qu'appartiennent les célèbres ramoneurs, mais il semble que jamais aucun Vallorcin ni même aucun Faucignerand n'ait exercé cette activité (cf. M.-Th. Hermann, la Savoie traditionnelle).

En revanche, nous savons qu'à Vallorcine depuis longtemps il était traditionnel qu'un enfant se loue comme berger à l'extérieur pendant la belle saison. Ainsi, dans les années 1870, Aimé Ancey, de Barberine, âgé de sept ou huit ans, passait de cinq à six mois en montagne, de mai à Toussaint, en Tarentaise, comme berger. Nous pensons que nous pourrions enrichir ce thème de bien d'autres exemples. Il faudrait aussi répondre à de nombreuses questions: quelle était la destination exacte où ils se rendaient, jusqu'à quel âge pratiquaient-ils cette forme d'émigration, avaient-ils des activités annexes, comme par exemple la musique ou l'artisanat?

 

L'émigration de longue durée. De nombreux Vallorcins ont quitté leur village pour une autre région de Savoie ou de France mais reviennent au pays pour les vacances et souvent s'y installent pour finir leurs jours.

Agathe Ancey du Crot, devenue femme de chambre à Paris (dans le 17e arrondissement; voir pp. 6 et 7), vers ses vingt ans à la fin des années 1880, s'y marie avec Alfred Ramus de Domancy et devient concierge à Paris, dans le quartier des Ternes (cf. photo page précédente). Le couple, après héritage d'une ferme à La Pallud, Domancy, revient s'y établir et y finit sa vie.

D'autres Vallorcins ont ainsi émigré vers Paris ou Lyon et leurs banlieues (c'est le cas de Marie Bozon à Ivry; cf. photo ci-dessus), ailleurs aussi, et y ont pratiqué des métiers divers, dans l'hôtellerie (cf. l'article sur Marie-Longine Claret, E v'lya n° 4, p. 6), pour le travail du caoutchouc, le nickelage, le chemin de fer, l'électricité, etc. Il serait bien intéressant d'avoir plus de détails sur ces différentes trajectoires.

 

L'émigration définitive. D'autres Vallorcins, enfin, ont quitté le pays pour des destinations diverses (grandes villes, pays étrangers) et ne se sont plus jamais manifestés. Depuis la création de notre association et les recherches que nous avons faites à cette occasion, certains d'entre eux ont redécouvert leurs racines vallorcinnes ou resserré leurs liens avec leurs origines: Ancey du Jura, du Rhône, de Fully, du Brésil, Vallorcins résidant dans le Midi, en Normandie et un peu partout. Il en reste encore dont on aimerait fixer et préciser le souvenir avant que leurs traces ne disparaissent des mémoires.

Venance Claret du Nant, par exemple (cf. photo ci-contre), destiné à la prêtrise par sa famille, disparaît brusquement avant la fin de ses études dans les années 1880; personne n'en entendra plus jamais parler. Des rumeurs familiales variées ont circulé: il aurait été journaliste polémiste à la Croix, signant "lou Corbè", il aurait travaillé dans les docks du Havre, prêt à s'embarquer pour les Amériques. Bien d'autres destins sont sans doute comme le sien encore vivants dans les esprits...

Au terme de ces évocations, nous souhaiterions que tous les Vallorcins, résidents ou d'origine, qui ont des renseignements sur des membres émigrés de leur famille, nous en fassent part. Cela pourrait être la source d'une future exposition au musée et permettrait de toute manière une meilleure connaissance de la vie de nos anciens.

Françoise et Yvette Ancey