IL Y A CENT ANS

L'activité municipale en 1896

La grande affaire de la commune il y a cent ans, c'est évidemment les élections municipales des 3 et 10 mai que nous relatons plus loin.

Cependant, l'activité des deux conseils successifs est intéressante en elle-même par sa diversité, son abondance (une dizaine de séances) et sa continuité. On s'étonne seulement qu'il ne soit rien dit de la relance touristique de la cascade de Barberine décidée l'année précédente. Simple retard ou difficultés plus sérieuses?

Pour le reste, avant comme après l'élection, les conseillers accordent une importance primordiale aux questions financières et prennent conscience des mêmes nécessités. Ainsi Michel Dunand fait décider une imposition supplémentaire. Le nouveau président (c'est ainsi que les comptes rendus désignent le maire) y revient et la fait même augmenter en raison de l'insuffisance des recettes. Il s'agit, entre autres, d'assurer le traitement du garde-champêtre. Il s'agit plus encore, souci constant à Vallorcine (voir E v'lya n° 7, p. 9), de trouver des fonds pour l'entretien des chemins vicinaux sur "tout le réseau".

Même certains sujets moins importants sont examinés avec une vigilance significative: le conseil approuve les comptes de la fabrique (c'est-à-dire les revenus de l'église), mais il remarque qu'il n'y voit pas "figurer la part lui paraissant revenir sur les ensevelissements."

Autre préoccupation constante: l'enseignement. Ainsi, après l'ouragan des 6 et 7 décembre 1895, le conseil de février considère que le bois abattu "trouverait le meilleur emploi pour la construction de maisons d'écoles dont l'urgence n'est plus à établir" (voir l'article de Ch. et F. Gardelle dans le nº 3 d'E v'lya, pp. 12 et 13). D'ailleurs, manifestation d'impatience, le conseil consacre à cette construction une séance extraordinaire quinze jours plus tard.

D'autre part, M. Dunand avait fait décider le 12 janvier "la création immédiate de cours d'adultes au chef-lieu et au Nant", prenant à sa charge les seuls frais de chauffage et d'éclairage. Le conseil présidé par M. Chamel revient sur la question en novembre "sur l'avis d'un grand nombre de pères de famille" et confirme cette création, mais une addition au compte rendu stipule: "sans que ce soit à la charge de la commune".

Cependant le souci prédominant (six séances y sont consacrées), c'est celui de la forêt communale, richesse collective gérée dans l'intérêt général, ressource capitale pour chacun des habitants par la pratique de l'affouage (c'est-à-dire le droit, sous certaines conditions, de prendre du bois communal).

Exemple de gestion vigilante: le conseil accepte la vente de mélèzes à Benoît Devouassoux, procureur des chalets de Balme, pour la couverture d'un toit de l'alpage, à condition de ne pas les choisir dans un endroit exposé aux avalanches "où leur disparition serait un danger".

Tout au long de l'année, on se préoccupe surtout de tirer le meilleur parti de "l'immense quantité de bois" abattue par l'ouragan évoqué plus haut. En février, le conseil insiste sur la nécessité de la vente immédiate des sapins d'une propriété communale "dite de la Cure, lieu dit bois de Velard" parce que "gisants sur le sol pendant un temps plus ou moins long ils perdent de leur valeur." D'où demande adressée à l'administration pour que les Vallorcins puissent prendre sur ces arbres l'équivalent de deux années d'affouage et que le reste soit vendu par voie d'adjudication publique dans la commune même.

Or, en août 1896, le conseil proteste: la délibération de février a bien été approuvée par le préfet, mais l'adjudication devra se tenir au chef-lieu d'arrondissement: "Il en résultera, explique le compte rendu, une perte considérable pour la commune, attendu qu'un grand nombre d'amateurs locaux ne se rendront pas à Bonneville", d'où moins de concurrents, enchères moins élevées et perte globale d'autant plus forte qu'une partie des bois chablis (c'est-à-dire abattus par les vents) se trouvent aux Saix Blancs et par conséquent ne peuvent guère intéresser que des Vallorcins, vu la difficulté de les exploiter.

Les conseillers ne sont pas au bout de leurs peines. La séance extraordinaire du 25 octobre avait proposé que soient vendus au profit de la commune 63 m3 de bois qui n'avaient pas trouvé preneur. Or l'administration fait savoir par voie d'affiche qu'elle se propose de procéder elle-même à cette vente au début décembre. Le conseil se réunit en toute hâte le 22 novembre pour protester de nouveau: il n'est tenu aucun compte de ses délibérations et cela alors qu'"un grand nombre de familles indigentes n'ont pas de bois pour l'hiver" et attendent impatiemment l'affouage de ces coupes, "nécessaire aussi pour le chauffage des classes".

On le voit, les conflits entre les communes et l'Etat ne datent pas d'aujourd'hui.