LEXIQUE DE PATOIS
Nous avons vu l'an passé le vocabulaire de la maison (voir E v'lya n° 8, p. 19), où s'exercent en grande partie les activités de la femme: en effet, c'est elle qui entretient les lieux, qui fait le ménage (maénadze). Elle balaie (le balai = on icoeuva), elle fait la poussière (vouta la peuf) et brique les meubles avec un chiffon à poussière (na pata, on tortson a peuf), elle nettoie les vitres en démontant les fenêtres et en les lavant au bassin (lava en bouyé), elle fait la lessive (far la bouya; voir E v'lya n° 8, p. 4), le repassage (repasser = répassa). Une autre activité traditionnelle est de faire la cuisine, mais ce vocabulaire a déjà été traité dans le n° 7 d'E v'lya (p. 14).
Ces tâches ménagères quotidiennes ne nous font pas oublier une activité plus noble, qui est celle d'élever les enfants (ilèva lou ptchou); non seulement elle les nourrit depuis leur naissance (nourrir au sein = bayi a tèta; allaiter = alèti), mais, au fur et à mesure qu'ils grandissent, elle leur fait manger d'abord de la soupe (bayi la spa, far mdzi la spa), puis des repas complets, les tartines de goûter, etc. (une tartine de beurre = na litse de bour). Bien sûr, elle surveille aussi leurs premiers pas, leur apprend à marcher et même à jouer: c'est en l'imitant que les petites filles joueront à la poupée (na poutchatre), à faire la dînette avec des jouets fournis par la nature (une pomme de pin, de sapin ou d'arolle = na povote, on povotchon), car, avant le début du vingtième siècle, on n'a guère de jouets fabriqués.
Les garçons s'inspirent davantage des activités masculines et de plein air et se servent eux aussi de ce que la nature leur procure: cailloux, brindilles, branchettes de toute espèce; on joue aussi à la toupie (le gdè), accélérée à l'aide d'un manche et d'une ficelle. S'ils ne sont pas sages, ils se font donner la fessée (fouèta).
Autrefois, la mère habillait (ablyi) ses enfants, tout au moins dans leur jeune âge: elle cousait (coeudra), elle faisait du crochet (crocheter = crotsèta; un crochet = on crotsè) beaucoup plus que du tricot (tricoter = tricota), qui n'était guère utilisé que pour faire des chaussettes (far dè tsôfon). L'enfant portait une blouse (on mandzon), un jupon (on coutin) en tissu fabriqué sur place en lin ou en laine (troedze) ou, pour le garçon, la culotte (lou ganson), un tablier (on foeuda), qui étaient souvent reprisés (repriji), recousus (r'coeudra). La mère faisait souvent un vêtement neuf avec du vieux (far de nuvo avoué de vyeu); elle taillait (copa), elle essayait (iprova), elle mettait des pièces (dè patna) où il en fallait, sur les vêtements des grands comme sur ceux des petits. Toutes les coutures étaient faites (far lè coeudre) à la main, puis, plus tard, à la machine (piquer à la machine = p'qa). Dans une boîte (na bouète), elle rangeait tous les instruments nécessaires: les ciseaux (li fouarsète), les aiguilles à coudre (li z avoulye) et à tricoter (lou z ico), les épingles (li z ipingye), le dé (l'dire), les bobines (li boubilye) de fil (fi), les écheveaux (un écheveau = na flota) de coton ou soies de couleur (la seya de coleu), car elle trouvait parfois du temps pour des travaux moins utilitaires: elle marquait joliment le linge de maison (marca le lindzo) ou même, si elle était habile et avait du goût, elle ornait de broderies (broder = broda) plus élaborées draps (on dra), serviettes (na servite), nappes (lou manti), napperons. Souvent, à l'école, elle avait brodé un alphabet sur canevas (on caneva) qu'on encadrait pour décorer la maison.
Au cours des temps, le filage (filer = flya) et le tissage (tisser = fâr la tèla) ont cessé d'être pratiqués dans les maisons; le raccommodage (rmaéda) s'est évidemment perpétué bien davantage. Les visiteurs du musée peuvent y voir un ensemble d'instruments anciens, comme la qnoye (quenouille), l'borgo (le rouet), l'itsevu (le dévidoir, qui servait à faire les écheveaux; voir photo page précédente) et le m'ti (le métier).
Autre activité féminine: les soins aux malades, qui supposaient, dans les temps où l'on ne voyait pas souvent le médecin et encore moins le pharmacien, tout un arsenal de remèdes (on r'mide): tisanes (la tisan-na) cueillies ou même cultivées par les femmes, potions (na drouga), onguents, pommades (na pomada, par exemple avoué de bour fandu, avec du beurre fondu), conservées ou préparées à la maison; et d'objets: ventouses, toile (la tèla) et vieux chiffons doux et propres pour les pansements (se faire mettre un pansement = se far pliya) et les cataplasmes (on implatre), vases de nuit (on po de tsambre) pour ceux qui étaient alités et qui ne pouvaient pas aller dans l'écurie se soulager au lussè. Elle était évidemment la garde-malade attitrée.
Voilà bien des occupations pour une femme; eh bien! souvenons-nous qu'il ne s'agit ici que des activités de la femme à la maison, mais qu'on la voyait aussi au jardin, aux champs, à l'écurie, aux vignes, quand les Vallorcins étaient encore vignerons, et terminons par un grand coup de chapeau à nos aïeules.
Yvette Ancey