IL Y A CENT ANS

L'activité municipale en 1897

On pourrait croire apaisées les querelles électorales de l'année précédente (voir E v'lya n° 9, pp. 4 et 5). Les comptes rendus ne font état d'aucune opposition interne, d'aucun partage de votes. C'est même Joseph-Vincent Ancey, le représentant du Mollard, candidat malheureux au poste de maire, qui est choisi le plus souvent pour tenir le secrétariat de séance, marque de confiance. Cependant, il semble bien que les dissensions ne sont pas éteintes: le 29 août, le maire réunit une séance extraordinaire pour élire au poste d'adjoint le remplaçant de Clément Burnet. Ce dernier, toujours absent depuis janvier, est sans doute démissionnaire, puisque ensuite son nom n'est plus mentionné. Toujours est-il que deux candidats se proposent et qu'Albert Berguerand du Plan d'Envers l'emporte par six voix contre deux à Joseph-Vincent Ancey, qui paraît l'objet d'une forte hostilité.

Le point le plus nouveau par rapport aux années précédentes concerne la visite sanitaire du bétail destiné à la foire du 17 septembre, dont le préfet vient d'indiquer la nécessité "sauf de voir la dite foire supprimée". Les termes indiquent bien qu'il s'agit de la foire qui se tenait à Vallorcine entre le Crot et le Sizeray (et non de celle de Chamonix). Le Conseil ne conteste nullement la nécessité de cette visite, mais "vu la distance qui sépare la commune de la résidence de tout praticien", elle délègue, avec l'accord du préfet et à titre provisoire, Lucien Claret, "agriculteur éclairé connaissant le mieux les maladies du bétail" comme vétérinaire auxiliaire, qui se placera sous la direction de M. Bardel de Sallanches. D'autre part le Conseil permettant à M. Claret de percevoir un droit fixe par animal visité, souhaite qu'il puisse visiter aussi "le nombreux bétail" venant "en tout temps de Suisse ou d'Italie" en profitant de la route ouverte par la Suisse, "n'ayant pas de certificat d'origine" et "pouvant être la source de bien des maladies". Ici encore, on ne se croirait pas il y a cent ans.

À côté de sujets déjà évoqués les années précédentes (construction des écoles, entretien des chemins vicinaux), deux sont nouveaux. La séance du 22 août est en partie consacrée à la préservation de la flore alpine: "Les plantes de nos montagnes disparaissent assez rapidement... on peut même les enlever dans un but commercial." Le Conseil décide donc d'interdire "l'arrachage du génépis (sic), de l'arnica et des gentianes sur les propriétés communales". Souci écologique avant la lettre et désir de protéger le patrimoine naturel à une époque où on ne l'aurait peut-être pas cru menacé. Dans le même temps, le Conseil accepte (alors qu'il augmente par ailleurs les impôts) de baisser la taxe annuelle de pâturage sur les biens communaux, laquelle est ainsi fixée à 1 F pour les bovins et à 0,50 F pour les chèvres et les moutons (expressément cités).

Cela dit, la question du bois communal rebondit, et avec elle les conflits qui opposent Vallorcine aux autorités préfectorales. Alors que ces dernières n'acceptent l'affouage des bois abattus par la tempête l'année précédente que contre une taxe globale de 1 500 F, le Conseil maintient ses délibérations antérieures (voir E v'lya n° 9, p. 3), en insistant de nouveau sur le fait que le bois perd de sa valeur. Il insiste d'autre part sur la pauvreté générale de la population (argument déjà utilisé un siècle plus tôt à propos des réquisitions révolutionnaires, voir E v'lya n° 5 p. 8) et refuse de faire payer plus de 4 F par affouagiste, soit pas plus de 1 000 F au total si on évalue leur nombre à 250 pour une population globale d'un peu plus de 500 habitants. La question revient cinq fois dans les délibérations de cette année-là et ne paraît toujours pas résolue à la fin de l'année.

Les protestations des élus sont d'autant plus vives qu'ils ne peuvent pas ne pas lier ce problème à celui du chauffage des bâtiments servant d'école au Nant et au Sizeray, "vu la nécessité absolue de bois, dans laquelle se trouvent actuellement les écoles pour chauffer les classes, laquelle ne tarderait peut-être [pas] à nuire à la fréquentation". Le conseil du mois d'août insiste sur la nécessité de rendre aux particuliers le bois qu'ils ont avancé pour l'hiver 1896-1897. S'ajoute à cela "le chauffage dû par la commune aux chalets de Balme".

Détail curieux: Claude Pache, désireux de "construire un bassin pour le village du Plan Droit" demande de pouvoir prendre dans la forêt communale "une mélèze". Le mot était alors du féminin, comme en patois la lardze qui nous vient du latin larix, lui-même féminin.

Michel Ancey