La voiture électrique, paradoxe
écologique ?
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Une voiture électrique rechargée par un
panneau photovoltaïque. Dans la pratique, ce sera plutôt avec du
nucléaire, voire du charbon. (Photo Untel).
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Certes la voiture électrique n'émet pas de CO2 mais d'où vient
l'électricité qui la fait rouler ? En France, 80% de l'électricité est
produite par le nucléaire et dans certains pays européens comme
l'Allemagne, les centrales à charbon, très polluantes, pourraient
tourner grâce aux véhicules "propres". Un paradoxe.
L'intégration à grande échelle de la voiture électrique est un défi pour le réseau électrique. Faire de
l'électricité le carburant de nos bolides de demain pose la
question de sa production mais pas seulement. Dans sa structure actuelle, le réseau haute et moyenne tension
ne pourra pas supporter la recharge imprévisible de millions de
véhicules chaque jour. Il est ici indispensable de rappeler que
l'électricité ne se stocke pas. Concrètement, cela signifie qu'à
chaque seconde, la production doit satisfaire la demande
instantanée d'électricité. C'est Réseau de Transport
d'Electricité (RTE), filiale indépendante d'EDF, qui est chargé
d'assurer en temps réel l'équilibrage offre/demande. Le maître
mot est ici la prévisibilité. Le travail essentiel de RTE est de
prévoir la consommation électrique du pays et d'assurer que les
moyens de production sont là pour y répondre. Heureusement pour
les techniciens de la société, les habitudes des Français ne
varient guère d'un jour à l'autre et la courbe de charge (voir
graphique) n'est significativement impactée d'un jour sur l'autre qu'en cas
d'évènements exceptionnels ou de fortes variations de température
(en raison de l'importance du chauffage électrique).
La vraie difficulté de RTE est de satisfaire la pointe, ce
moment de la journée où la consommation est la plus importante. Elle a
lieu tous les jours vers 19h, heure à
laquelle les gens rentrent chez eux. Selon les décisions qui seront
prises par les parties prenantes, le véhicule électrique perturbera
fortment le travail des agents de RTE ou au contraire, offrira un
potentiel de stockage jamais atteint.
Si la voiture épouse la courbe de charge, son intégration sera catastrophique. Le
réflexe classique de l'automobiliste est de mettre son véhicule
à charger en rentrant chez lui, « un comportement qui, multiplié par
des millions de batteries à recharger, fera s'écrouler le réseau »,
affirme Marie-Pierre Bongrain, directrice du département méthodes
& appui de RTE. Même
si RTE arrive à éviter les black-out, le bilan carbone de ces recharges
sera catastrophique car les centrales appelées en pointe sont très
polluantes (gaz, fuel, charbon).
Le
transporteur planche donc sur la question avec l'Ademe (Agence de
l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie).
Les premières conclusions amènent à trouver des moyens pour que
le maximum de recharges aient lieu en période de basse
consommation où d'excédent de production des énergies renouvelables. «
Pour les particuliers, la «charge intelligente»
(lente et en période creuse) devra être privilégiée, et la charge
rapide exceptionnelle. La tarification de ces deux types de
charge devra être fixée en conséquence » affirme l'Ademe.
Comprenez: recharger sa voiture en pointe coûtera
cher. Avec une tarification assez incitative, le véhicule pourrait même
devenir une source de production virtuelle dont RTE se servirait en
pointe. Concrètement, les batteries chargées en heures creuses et
branchées au réseau serviraient d'électricité d'appoint. Un potentiel
de stockage très important mais "dans un horizon de long terme"
prévient Marie-Pierre Bongrain. Un horizon qui pourrait même s'avérer
rémunérateur pour l'automobiliste qui achèterait une électricité bon
marché en heures creuses et qui la revendrait au réseau au prix fort en
pointe. A quand la voiture qui transforme l'électricité en or ?
Romain Chicheportiche
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