Customise ma crémation
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Certes, la photo n'est pas encore en place, mais il faudra pourtant la crediter comme suit (Photo Untel).
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Pendant les années 80-90, la crémation était un choix assez
peu répandu. Les familles avaient l'impression que les obsèques
de leurs proches étaient uniques. Aujourd'hui, le recours à la crémation représente près de 30%
des funérailles en France. Alors les familles cherchent ailleurs
leur besoin de faire différent. Pour leur être cher qui était si
bon, si unique, si exceptionnel, les proches cherchent l'idée qui
fera la différence.
« On accepte tout ce qui peut faire du bien aux familles. »
Philippe Le Normand, directeur du crématorium sud-francilien,
justifie toutes les demandes les plus originales qu'il a
satisfaites lors d'obsèques. « D'une famille à l'autre, les
attentes sont complètement différentes. Chacune veut des obsèques
bien à elles, de plus en plus personnalisées. »
Illustration concrète, le mois dernier, Philippe Le Normand a
équipé la salle de cérémonie de son établissement d'un
rétro-projecteur. L'équipement a couté quelques milliers d'euros
mais était devenu « indispensable » tant la demande était
insistante. Pendant la demi-heure qui précède le départ du corps,
les familles peuvent ainsi diffuser films et photos sur la vie du
défunt.
Dans cette salle de cérémonie, tapissée de bleu, trône une
croix et deux grands cierges. Le crématorium est un lieu public,
laïc, mais dans la moitié des cas, un prêtre accompagne le
cortège. « J'accepte beaucoup de demande très différentes,
engagées parfois. Et si une famille veut un jour des drapeaux
syndicalistes partout parce que le défunt était très engagé, ça
ne me pose pas de problème », souffle le directeur, un petit
sourire aux lèvres.
A ce petit jeu, Philippe Le Normand est parfois surpris. Car
si les familles veulent personnaliser la cérémonie de départ,
certaines tiennent aussi à le faire avec le cercueil. Mais la
crémation ne permet pas toutes les folies et les familles n'en
ont pas toujours conscience. Entre deux portes, à l'abri des
oreilles des familles, le directeur du crématorium et son maitre
de cérémonie se livrent à quelques confidences... surprenantes.
« Les appareils de crémation montent jusqu'à 900°C. On ne peut pas
mettre n'importe quoi à l'intérieur. Par exemple, les médecins
doivent impérativement enlever les pacemakers. Il arrive que
certains oublient... ». Dans ce cas, l'installation peut imploser.
Ce sont alors 120 000 euros d'équipement qui partent en fumée et
l'impossibilité pour la famille de récupérer les cendres.
Encore plus inattendu, il arrive que les familles cachent des
objets. « Nous avons eu un gros accident un jour. La veuve avait
placé dans le cercueil le fusil et la cartouchière de son mari
chasseur. Je ne vous explique pas les dégâts », s'amuse Philippe
Le Normand, un brin narquois. Aussitôt, son visage se tend et se
renferme. Il a connu une histoire plus troublante. « Les parents
avaient perdu leur jeune enfant dans un accident de mobylette. Le
couple avait placé le moteur de l'engin dans le cercueil. » Le
directeur lève les yeux au ciel. Même s'il est prêt à tout
accepter pour le bien-être des familles, après plus de 10 ans au
crématorium sud-francilien, des comportements et des réactions le
surprennent toujours.
Côté personnalisation, des sociétés rivalisent
d'imagination
Après la crémation, se pose la question de la destination des
cendres. Là encore, les familles cherchent à faire différent,
original. Des sociétés maritimes proposent la dispersion ou
l'immersion des cendres en mer. En montagne, des hélicoptères
décollent régulièrement pour répandre les cendres au sommet des
montagnes, le Mont-Blanc en tête. Plus fou encore, les missions
spatiales commencent à emporter avec elles des urnes pendant leur
voyage.
Et pour ceux qui choisissent une solution plus terre à terre,
les entreprises ne sont pas à court d'idée, notamment sur
Internet.
Le site alternita.com propose, depuis un mois seulement, une
urne originale en forme de buste du défunt. Il est le seul à
proposer cet objet en France et reçoit des commandes du monde
entier. Présenté au salon du funéraire, cette sculpture créée par
un artiste à partir d'une photo a été bien accueillie par les
visiteurs, désireux de « laisser un souvenir particulier, de
créer une mort unique »... à 2 500 euros. Uniques aussi les
dernières demeures que peuvent proposer les familles. Car tout
objet de 3 litres minimum et qui ferme peut faire office d'urne
funéraire. Libre court à l'imagination. Olivier*, directeur
adjoint d'un crématorium de la région parisienne, raconte avoir
déjà mis des cendres dans des magnums de vin et même une boite à
cigare pour un mari défunt fumeur ou un pot de moutarde.
Memoorias.com pousse encore plus loin en proposant des bijoux
fabriqués à partir des cendres du défunt. « Envoyez-nous une
partie des cendres. Par un procédé chimique, nous fabriquons des
bijoux cinéraires uniques qui vous permettront de garder un
souvenir unique de votre proche », promet le site. Comme chez un
bijoutier, les pendentifs sont proposés en plusieurs formes et
plusieurs coloris, à partir de 259 euros. Le site pousse encore
plus loin avec une offre grand luxe, un diamant. Même
proposition, même procédé, cette fois pour 5 500 euros.
Le business autour de la mort devrait continuer d'évoluer vers
des propositions toujours plus différentes, toujours plus folles.
Pour preuve, la foire du luxe de Verone (Italie) qui s'est tenue
début mars. Un fabricant y a présenté un cercueil en or avec
téléphone intégré d'un montant de 280 000 euros. Pour envoyer un
sms à ses proches au cas où l'on aurait été enterré vivant par
erreur ou qu'on ait envie de revoir la lumière. Et l'histoire ne
dit pas si la batterie est éternelle.
Si ce type de prestation existe, c'est, à entendre les
professionnels, parce que la société les réclame. « Rien n'est
trop beau pour honorer la mémoire d'un proche disparu. Les
familles ne comptent généralement pas à la dépense à ce moment
là. » Quitte à en faire trop.
*Le prénom a été changé
Marine Guillaume et Lilian Maurin
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