« Beaucoup de clients ont des animaux sans
papiers »
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Le Docteur Schilliger pose avec l'un des caméléons en soin dans son cabinet (Photo F.M.).
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Le Docteur Lionel Schilliger s'est spécialisé dans les
reptiles depuis une douzaine d'années. Ce vétérinaire praticien,
qui exerce à Paris, est devenu la référence dans son domaine dans
l'Hexagone. Rencontre avec ce témoin privilégié de l'évolution
des pratiques relatives aux reptiles.
Argent lucide : Docteur Schilliger, avez-vous observé une évolution du nombre de
reptiles possédés par des particuliers ?
L. S. : Oui. Il y a une demande croissante car il y a toujours
plus de choix en animalerie. Les gens ont tendance à découvrir
ces animaux, à se passionner puis à en avoir de plus en plus. En
parallèle, la terrariophilie, qui consiste à maintenir ces
animaux en captivité avec du matériel et des aménagements de plus
en plus sophistiqués, s'est également développée et les reptiles
peuvent donc être maintenus dans des conditions optimales.
Argent lucide : Qui sont vos clients ? Quels sont leurs
profils ?
L. S. : Il n'y a pas de profil type. On a souvent à l'esprit
que ce sont des gens excentriques ou très snobs mais ce sont des
personnes comme tout le monde qui se passionnent juste pour ces
animaux d'ornement avec lesquels il n'y a pas d'affectif ou très
peu, comme avec les tortues. Maintenant, c'est vrai que les
jeunes sont plus attirés par les serpents tandis que je vois plus
souvent des personnes âgées m'amener des tortues qu'elles ont
depuis 40 ans.
Argent lucide : Parmi vos clients, certains ne sont-ils pas en
règle avec la loi ?
L. S. : J'en ai tous les jours, ne serait ce qu'avec les
tortues grecques d'Afrique du Nord. Les gens, de bonne foi ou
non, les ont rapportées d'un voyage à Marrakech ou Djerba,
pensant que c'était autorisé car cette espèce ressemble à nos
tortues de jardin. Dans ces cas-là, ce n'est pas notre rôle de
vétérinaire de dénoncer le client. Par contre, on va l'informer
qu'il s'est fait avoir en achetant une tortue à l'étranger ou sur
Internet alors qu'il aurait pu se la procurer quasiment pour le même prix en
animalerie, et avec des papiers. Si le client veut se mettre en
conformité avec la loi, il doit faire une demande à la préfecture
pour devenir capacitaire et pouvoir garder son animal. Mais s'il a dans son élevage deux ou trois
tortues dont l'origine est illicite parce que c'est un copain qui
les lui a données ou parce qu'elles ont été achetées sur
Internet, les bêtes sont saisies. Ce n'est pas la bonne solution
puisque ça n'incite pas les gens à réparer leurs erreurs.
Argent lucide : Avez-vous eu des clients n'ayant aucune
connaissance de l'animal qu'ils ont acheté ?
L. S. : Oui, il y en a beaucoup. Ils ont acheté l'animal sur
un coup de tête et ils se rendent compte après coup qu'il faut
aussi acheter un terrarium complet, ce qui n'est pas donné.
Beaucoup de personnes ne se documentent malheureusement pas avant
l'achat et trop d'animaleries sont assez laxistes là-dessus.
Argent lucide : Pour vous, existe-il un trafic au
niveau des reptiles ?
L. S. : Je ne pense pas. Je me trompe peut être. Je ne pense
pas pour la bonne raison que maintenant, un python royal coûte seulement 3
dollars à l'importation. Peu de reptiles sont super onéreux. Les plus chers
sont issus de sélection génétique en captivité. L'appât du gain
se fait donc sur des espèces que l'on ne trouve pas à l'état
sauvage. Il y a peut-être des importations massives
illégales mais ça ne doit pas représenter un énorme flux
d'animaux puisque seules les choses qui valent cher sont
intéressantes à trafiquer. Par contre, le problème des
particuliers qui ramènent d'Afrique du Nord des petites tortues
est réel et important. Je pense qu'il devrait donc y avoir une
vraie politique douanière dans les aéroports d'Afrique du Nord.
Actuellement, les gens passent sans cacher les tortues et
prennent l'avion sans être inquiétés.
Arrivés en France, une grande majorité de touristes passe au
travers des mailles des douanes françaises car un reptile ne sent
rien pour un chien. Pour moi, on ne peut pas dire qu'il y a un
contrôle là-dessus. Je ne connais personne qui se soit fait
saisir des tortues à la douane.
Argent lucide : Comment vous êtes-vous
spécialisés dans les reptiles ?
Lionel Schilliger : Je me forme régulièrement aux Etats-Unis
car il n'existe pas de formation sur les animaux exotiques en
France. J'y vais une à deux fois par an pour participer à des
conférences.
Propos recueillis par Fabien Madigou
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